Les chaussures à talons hauts, peut-être plus que tout autre vêtement, sont considérées comme le symbole de mode ultime de la femme. Les petites filles, qui font des incursions dans les placards de leur mère pour y trouver des accessoires de déguisement, gravitent vers elles. Une première paire de talons hauts est souvent un rite de passage à la féminité.
Être ainsi chaussée à la mode est souvent préjudiciable à ses pieds, mais une chaussure à talon haut est largement perçue comme la chaussure la plus sexy et la plus féminine qu’une femme puisse porter. Les talons hauts ont la capacité de changer radicalement la posture et l’apparence de la personne qui les porte. Les talons donnent l’impression que la jambe est plus longue, ce qui amincit les mollets et les chevilles. La silhouette d’une femme change. Ses seins sont poussés vers l’avant et ses fesses sont repoussées vers l’extérieur pour créer une séduisante forme en S qui contribue à créer cette démarche sexy. Ces changements physiques influencent la façon dont une femme se sent et souvent la façon dont elle est perçue, créant ainsi le paradoxe du port des talons. D’une part, les talons hauts sont tous puissants. Une femme devient plus grande, prenant une pose de défi qui signifie sexualité et pouvoir. Avec des talons, elle peut conquérir le monde. Mais les talons hauts peuvent aussi créer une femme impuissante, chancelante et instable, incapable de courir vers le bus, passive et faible.
Les talons hauts ont longtemps été associés au fétichisme sexuel, de la dominatrice en bottes à talons hauts en cuir noir à la soumise en chaussures de bondage.
Leurs origines
Les talons ont été introduits pour la première fois dans les années 1590. Dans les années 1660, Louis XIV de France a rendu les talons hauts à la mode pour les hommes. En tant qu’homme relativement petit, il a associé les talons hauts à de grandes perruques pour créer une illusion de taille. La personnalisation royale a donné naissance aux talons rouges, un symbole de statut et de pouvoir, initialement porté uniquement par les membres de la cour royale. Les hauts talons rouges sont restés à la mode jusque dans les années 1770.
Le dix-huitième siècle
La mode française des années 1770 et 1780 voyait des talons hauts placés sous la voûte plantaire, ce qui provoquait l’écrasement des orteils du porteur dans la pointe redressée, tout en le faisant basculer vers l’avant de manière provocante. La douleur qui en résultait en valait la peine pour le look très à la mode. Un poème satirique de l’époque dit tout : « Montez sur des talons français, quand vous allez à un bal, c’est la mode de chanceler et de montrer que vous pouvez tomber ». Vers la fin du XVIIIe siècle, les talons sont devenus plus bas ou plus coincés, et ont complètement disparu vers 1810.
Le dix-neuvième siècle
À partir des années 1850, les talons féminins ont commencé à faire leur retour, et dans les années 1860, les talons à la mode pouvaient mesurer 6 cm. En juin 1868, un magazine édité en anglais en a parlé à ses lecteurs : « Les bottes à talons hauts sont universelles, même si les médecins ont écrit des articles très sévères à leur sujet. Ils disent que la mode provoque des crampes, des douleurs, des boiteries à un âge précoce, diminue la taille du mollet et lui fait ainsi perdre sa symétrie ». À partir de 1867, on a également introduit un talon haut, droit et mince, appelé Pinet, du nom du cordonnier français François Pinet.
Dans les années 1890, certaines courtisanes portaient un style connu sous le nom de chaussure Cromwell, basé sur les idées plutôt fantaisistes des victoriens concernant les chaussures portées par Oliver Cromwell et ses disciples. Ce style avait un talon pouvant atteindre 16,5 cm.
Les premiers talons étaient sculptés dans du bois et recouverts de cuir ou de tissu utilisé pour la partie supérieure de la chaussure. Pour renforcer la zone entre la semelle et le talon, la semelle en cuir descendait souvent le long de la poitrine du talon.
Le vingtième siècle
Le talon cubain à côtés droits est apparu en 1904. Il était généralement construit à l’aide de morceaux de cuir empilés pour créer sa hauteur. La chaussure de bar était le style classique des années 1920, avec un talon Louis ou cubain haut. Les chaussures de soirée étaient dotées de talons ornés de pâte, de diamants et d’émaux.
La vague du New Look de Christian Dior en 1947 a marqué un tournant dans l’histoire des talons hauts. Ce style exigeait un talon haut mince et élégant. Auparavant, les talons hauts et minces avaient tendance à se casser. Le problème a été résolu lorsqu’une tige d’acier a été insérée dans un talon en plastique moulé. Les talons aiguilles ont été mentionnés pour la première fois dans le Daily Telegraph le 23 septembre 1953. Au départ, la haute couture, rendue populaire par le créateur de chaussures français Roger Vivier, toutes les femmes les ont rapidement portés jusqu’au début des années 1960. Les stilettos causaient de nombreux problèmes pratiques, notamment la corrosion des planchers de bois et l’accrochage aux grilles de la rue.
C’est également dans les années 1960 que, pour la première fois depuis les années 1720, le talon haut a été repris par les hommes sous la forme du talon cubain sur ce qu’on appelait les bottes Beatle, un style rendu populaire par les Beatles. Dans les années 1980, le talon aiguille a fait un retour en force, les femmes au travail étant de plus en plus contraintes de s’habiller avec des chaussures à talons aiguilles. Associé à un costume masculin à épaules rembourrées et à du rouge à lèvres rouge, le talon haut symbolisait la puissance et la domination sexuelles, une attitude visuelle « ne me cherche pas ».
Depuis lors, le talon haut n’a jamais vraiment disparu. Sa résurgence au début des années 2000 s’est traduite par la popularité des chaussures de Manolo Blahnik dans la série télévisée Sex and the City. Certaines femmes ne portent des talons hauts que pour des occasions spéciales, en tant que tenue de soirée, tandis que d’autres les portent tout le temps. Quelle que soit la préférence, le talon haut ne disparaîtra jamais.
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